Hayat, 65 ans, a perdu son fils dans l’explosion

« Parfois j’oublie ce qui s’est passé et je me mets à attendre son retour »

Beirut Blast – 6 months commemoration

« Avec les aides que j’ai reçues j’ai acheté une place au cimetière pour mon fils. Je n’y avais jamais pensé auparavant. Je ne savais pas non plus que ça coute 5000 dollars américains » souligne Hayat Abou Chakra, montrant image à l’appui la dalle en marbre qu’elle a fait faire pour Chady et qu’elle a installé à la porte du nouveau caveau familial. Chady Abou Chakra était âgé de 38 ans et a péri dans l’explosion du 4 août dans l’effondrement d’un immeuble de la ville.

« Chady est sorti de la maison cinq minutes avant l’explosion. Il m’a dit ‘maman je vais prendre le café chez des amis’. Il est mort chez eux, dans l’effondrement du bâtiment », raconte-t-elle.

« Je l’ai enterré provisoirement dans un cimetière. Maintenant la tombe familiale est prête. Dans peu de temps je transporterai son corps là-bas », poursuit-elle.

Hayat, une grande femme blonde et mince âgée de 65 ans, tient un parking et habite une vieille maison mitoyenne du parking et elle est y ai aidée par sa famille, notamment son fils Chady, qui a péri dans l’explosion.

Photos de Chady, victime de l’explosion à Beyrouth

Chady était sourd-muet. Sociable et avenant, il tissait des liens facilement avec les clients, même si ces derniers ne parlaient pas le langage des signes. Il était incollable sur Internet et les medias sociaux.

« Beaucoup de personnes que je ne connaissais pas, mais qui connaissaient Chady, m’ont aidée financièrement. C’est ainsi que j’ai pu acheter une place au cimetière et retaper la maison lourdement endommagée par l’explosion. J’aurai dû prendre leur numéro de téléphone, au moins pour les remercier. Mais en fait je prie pour eux tout le temps. D’ailleurs je passe ma journée à prier », raconte-t-elle.

Hayat et sa famille ont toujours habité Beyrouth. Elle n’a jamais été riche et c’est grâce au petit parking qu’elle tient, aujourd’hui désert à cause du confinement du Coronavirus, qu’elle pouvait subvenir aux besoins de sa famille.

 « J’étais en train d’arroser les fleurs du parking avec ma petite-fille quand il y a eu la première explosion. Je lui ai dit de courir se réfugier en face, au rez-de-chaussée de l’évêché, je l’ai suivi. Si j’étais restée dehors j’aurais probablement été tuée », dit-elle.

« Mon fils est sourd, il ne peut pas entendre si on l’appelle »

La fille de Hayat qui était à la maison a reçu la fenêtre sur son dos et a été blessée par les bris de verres. Hayat, qui est cardiaque, a été blessée au bras et a reçu des bris de verre dans tout le corps.

« J’ai mis un bandage sur la main et j’ai été à l’hôpital juste pour qu’ils me fassent un garrot. J’ai vécu la guerre ici à Beyrouth et je n’avais jamais vu de telles scènes ou senti de telles odeurs dans un hôpital. Je suis rentrée à la maison et je n’arrêtais pas de téléphoner à Chady. Son portable sonnait mais il ne répondait pas », dit-elle, avant de marquer une pause, fixer un point sur le sol pour se donner courage et continuer : « Mon fils est sourd, il ne peut pas entendre si on l’appelle et ne peut donc pas répondre pour qu’on le localise. Il est resté 24 sous les décombres avant d’être retrouvé sans vie. La nuit du 4 au 5 août je l’ai passée à ma fenêtre, guettant chaque bruit, attendant que Chadi revienne. Et puis comme je saignais beaucoup, un ami de mes enfants est venu m’amener encore une fois à l’hôpital. Je l’ai couvert d’une serviette pour ne pas l’entacher de sang et je me suis installée derrière lui à moto. C’était pour la première fois de ma vie que je me mettais à moto. A l’hôpital, j’ai mis la serviette sur une chaise qui dégoulinait de sang pour que le médecin commence à coudre mes blessures. Aujourd’hui mon bras gauche est presque paralysé », dit-elle. 

Dans sa modeste maison fraichement restaurée, elle montre la chambre de Chady et dit : « Regardez, ses affaires sont toujours là. Aujourd’hui même, je porte son pantalon. Parfois j’oublie ce qui s’est passé et je me mets à attendre son retour ». « Je pense à lui à chaque moment. Je termine de faire la cuisine que je commence à l’attendre. Quand Internet ou du

matériel électrique tombe en panne, je me dis que Chady l’arrangera à son retour », ajoute-t-elle, les larmes coulant le long de ses joues.

« Quand je me mets à pleurer, je regarde ses photos et je me mets à prier. Je lui parle et je lui dis je sais que tu ne vas pas me laisser pleurer », dit-elle.

Elle souligne « Au début on ne réalise pas ce qui s’est passé et puis on se rend compte et les choses deviennent plus difficile. Aujourd’hui, les choses sont beaucoup plus difficiles qu’il y a six mois ».

Hayat figure parmi les bénéficiaires de CARE International au Liban.

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